le papier d'Arménie
C'est au début un nom de ceux qui me transportent, une enluminure. Un souvenir étroitement lié à mon premier salariat. Suite à une période d'essai dans un établissement, le jour où la direction allait me remercier (c'était le début des corvéables à merci: travaux d'utilité collective, jeune volontaire pour le progrès et autres, stage d'insertion dans la vie professionnelle, contrat emploi solidarité etc ...) lors de la réunion avec le directeur pendant laquelle il devait être question de mon sort, Soeur Marie-Thérèse était entrée dans une grosse colère et avait avec véhémence plaidé en ma faveur, prise de bec, drame diplomatique; elle exigea que l'on me salariasse. Et le big boss céda. Elle avait du coeur et de l'influence Ma Soeur.
Aussi, ce fut sans broncher que le papier d'Arménie fit irruption dans mon quotidien et lorsqu'elle allumait le feu dans le minuscule bureau que nous partagions, à longueur de journée, prétextant grippe, fumée, pets et autres fléaux que j'aurai accepté mille fois à la place de ces petits papiers dont les enivrantes effluves me poussaient la plupart du temps hors les murs et transformaient mes journées en calvaire. L'on finit toujours par s'habituer... Cette odeur jugée infecte, insupportable devint au fil du temps familière et presque agréable. Il m'arrive encore aujourd'hui lorsque ma route croise ce parfum de tressaillir et d'avoir une pensée affectueuse pour ma soeur défroquée.