La Traversée
Je suis souvent allé exposer mes travaux loin des villes dans lesquelles j'ai habité. Et j'aime l'idée d'emporter juste ce que je peux soulever, à condition bien entendu de remplir le lieu que l'on m'offre et d'être à la hauteur (du moins la mienne !). Quand j'avais montré mon travail dans le pigeonnier sur la terrasse du palomar, j'étais arrivé à Barcelone avec une valise dans laquelle j'avais stocké soixante dix neufs têtes. Alfred Mauve ex Christian Riedeberger s'était inquiété en me voyant sur le quai de la gare avec un petit truc au bout du bras, pensant que j'avais compris que je venais juste passer le week-end pour faire la fête... alors qu'une exposition était prévue. Claus Dieter Geissler qui était présent à l'instant où j'ai ouvert ma valise avait beaucoup aimé cette idée de ne faire une exposition qu'avec le contenu d'un bagage à main et notre amitié avait démarré à cet instant dans un fou-rire communicatif. L'idée d'atelier qui ne me passionne toujours pas me donne certaines possibilités qui ne sont pas liées à mon mode de fonctionnement naturel. Je travaille un peu plus en grand et beaucoup plus de choses à la fois. L'idée de devoir "assurer" me gêne. Je suis dans l'instant et je ne peux guère fabriquer autrement. L'imprévu prend toute sa splendeur même si tout est encore plus prévu en fait. Pour Lille, je pars avec une énorme valise de beauf (M tu n'y es pour rien.. merci pour ce magnifique prêt), de celles que je hais quand je vois ces jeunes couples fossilisés les tirer comme des trophées et dans lesquelles j'imagine des vanity case et plein d'autres rechanges de rechanges. Des tas de petites poches et compartiments pour ranger costumes et autres conneries cosmétiques. La mienne est chargée à bloc de centaines de têtes. Je pars aussi avec un beau carton et des oeufs à couver. Je me suis encore rendu compte de mon incapacité à ranger dans un bel ordre des choses fragiles; voilà pourquoi je fabrique en général des oeuvres costauds ou que je peux restaurer facilement au gré de leurs déboires (l'autre jour un carton rempli de travaux a chuté lourdement du haut de son rangement mais aucune "oeuvre" ne s'est vraiment détériorée). Par contre cette fois çi, il s'agit de céramiques et j'étais ravi que Carine Tarin m'explique la manière optimale de mettre tout à l'abri du bris. La Traversée est un peu tout ça.. le métier de vivre sur le métier de peindre. Fidèle dans ses contradictions une maxime de Christophe Decourt que j'aime beaucoup.