Perpignan: (Ma) maison s'écroule
Il y a quelques jours au 23 rue du Puits des Chaînes à Perpignan, la maison dans laquelle j'ai passé une partie de ma jeunesse, s'est effondrée. Trente ans auparavant, je me souviens une nuit d'avoir entendu un bruit terrifiant en provenance d'un des murs de la pièce dans laquelle je dormais. C'était le chuintement de l'eau contre la paroi. L'immeuble de l'autre côté était en feu et les pompiers tentaient d'éteindre le sinistre. Nous avions fait le tour, mon père et moi, en pleine nuit pour voir ce qu'il se passait. Quelques temps plus tard cette maison s'écroula puis fût complètement rasée. Plus tard encore, en nettoyant le dos de notre bâtisse l'engin avait ouvert une brèche et ce jour là nous avions vu à notre grande stupéfaction les dents métalliques du monstre fracasser le mur et dépasser dans la cuisine. Ma mère qui se demandait s'il n'allait pas ouvrir la façade comme une vulgaire boîte de sardines. Plusieurs mois durant il y eût une bâche pour boucher la béance, puis la mairie décida de faire des petites réparations. Entre-temps, j'avais quitté la maison, mes parents s'en allèrent à leur tour. Avant-hier, la pauvre bâtisse s'est effondrée tuant un homme. Je ne peux m'empêcher de penser à cette rue misérable et ce quartier Saint-Matthieu dans lequel j'ai passé des années assez étranges, difficiles et sereines à la fois. Je ne peux m'empêcher de penser à la nullité des élus qui ont laissé ce quartier péricliter et devenir en moins de cinquante ans une tombe, un nid de désoeuvrés, un ghetto sous surveillance vidéo, au coeur même de la ville.