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Christophe Massé Informations
22 décembre 2009

Sous La Tente des Sous La Tentiste: (remerciements)

silence_socourt_2008_dr_cm

A côté. Dans le Silence. Sous La Tente.

 

aux artistes

 

Dans le silence de l'atelier quand j'ouvre le matin, c'est parfois une douce chaleur qui m'étonne et surprend ma torpeur. Dans le four a cuit de la céramique toute la nuit. Cette onctuosité est un leurre. Toute la journée la température va chuter, égrenant les degrés comme des notes prises à rebours sur une partition invisible. Je hisse le volet métallique, vais accrocher dans la rue l'enseigne, pose le cadenas sur le meuble gris, file au fond allumer la lumière néonesque de ma pièce de travail. Je prépare avec des gestes que j'aime, un arabica - remplir le réservoir d'eau, rincer le récipient, regarder filer un reste de café dans l'évier en inox, vider le marc en tapotant sur le plastique du filtre - dans une cafetière électrique trouvée posée sur une poubelle et qui fait du café moyen, pas assez brûlant, mais buvable, car comme sont mangeables les sardines first price et les harengs que j'avale parfois à la manière de l'héroïne du film le tambour; les laissant glisser au fond de la gorge pour conjurer l'imbécilité, le café embellit mon existence. Sans transition comme sur France-Infos.. aujourd'hui, dans le tram, recroquevillé sur une banquette; un jeune type seul, claquant des dents, ivre, vêtu d'un simple tee-shirt, et grelottant de froid. Chaque individu qui croise du regard sa silhouette s'en détourne. J'ai pensé encore une fois, que nous étions dans cette irréversibilité des sentiments. Il y a longtemps en province, dix personnes auraient donné leur avis sur la marche à suivre pour venir en aide à ce type. Aujourd'hui tout le Monde s'échappe. Tout le Monde a du temps à rattraper ailleurs, avec toutes les bonnes raisons du Monde. J'ai parlé, j'ai demandé à la conductrice de sortir de son mouvement de non-grève, j'ai essayé de la faire venir avec moi. Le jeune gars, du fond de l'œil m'a remercié comme il le pouvait. Je ne sais pas comment l'expliquer. Dans une ruelle la nausée est montée; à ma porte chaque heure.. cette misère qui se superpose aussitôt à l'opulence. Il y en a qui arrivent à la fuir, mais ne pas la voir est impossible. Je suis comme un survivant à me trouver dans le silence de l'atelier, même si comme sur France-Infos qui passe sans vergogne de l'inventaire des morts de froid et sans transition aux bonnes affaires pour trouver du Champagne pour les fêtes... je vais vous parler de ma tristesse et de mes joies.

Le matin c'est Martial Bécheau qui va rompre le silence. J'allume mon vieux ghetto blaster et la Pièce pour Roland D20 empaquète le lieu avec cette mélopée de sons aériens. Tels des missiles perdus dans le ciel et la poussière des déserts inhabités, sonnerie lointaine de téléphone, tempo d'une batterie emmitouflée dans sa laine de temps. Quelques jours encore avec ce lancinant tempo pour me persuader qu'il s'improvise là des instants de privilèges, à écouter en boucles.. Martial me propulse dans un autre temps de notre contemporanéité. Son son occupe l'espace, l'habite et le pose parmi les œuvres prêtées par les autres artistes dans une gaine de jonction où les liens sont des fils reliés et se dessinent tout seul sur la plaie du temps. Je comprends maintenant comment je n'ai pas eu de mal à réaliser l'accrochage, conçu en écoutant cette musique. Il n'y a pas de silence Sous La Tente: la peinture, la photographie, le livre, les installations ne seront pas isolés pour dire un temps cette existence sans parole. Rustha Luna Pozzi-Escot a apporté un travail tricoté dans une laine écru à grosses mailles. Un tiroir de l'enfance s'ouvre sur des photographies d'elle enfant puis adolescente. Culture simple et raffinée qui fait les choses sans revenir en arrière.. Silencieuse aux yeux clos de laine. L'enfance est-elle derrière le miroir comme un brillant souvenir ? Œuvre énigmatique et fulgurante. Le brin de femme à la boutonnière ensanglantée d'Anne-Gaëlle Ponche est un petit cri encore sur la blancheur du mur et l'étrange interpellation d'un désarroi muet couvert par la sensibilité d'un trait magnifique. Patrick Rabiller a écouté mes doléances et m'a laissé prendre sa photographie de petit format du grand arbre aux feuilles d'or, celle de la collection Zap, qui lors d'une période furtive et douloureuse avait échappé à ma boîte aux lettres... Il faut être doux avec la planète, j'aime le silence sous cet arbre et l'échelle donne aux personnes photographiées cette impression bucolique qu'il faut toujours bien se tenir sous l'abri. Bien se tenir dans le bocal et garder le silence; la collection épuisée de dessins de poissons rouges de Patrick Genty fait de ce carnet un bien précieux pouvant avec des gants blancs nous permettre de reprendre le souffle. Cette petite phrase du collage d'Hubert Lucot qui nous ramène en 2006 car à cette époque nous parlions de choses sérieuses restera aussi dans mes annales, casser la glace, revisiter l'espace, imaginer des directions dans nos friches existentielles. Marlaine Bournel avec simplicité questionne le vêtement et cette identité qui parfois nous pousse à l'action chimérique comme Adensi plonge vers les lieux de nos vies qui déménagent sans cesse, il propose de nous orienter sans cesse, de tenter de voir l'horizon d'un côté puis de l'autre, de considérer l'architecture urbaine dans ses dernières peaux comme un trésor défait. Anne Calmels, Anne Dubois Kremer dont j'ai choisi pour leurs travaux de se trouver côte à côte, offrent dans ces deux encres si différentes de nous faire palper encore du silence, quand nous optons pour l'encre sur le papier. Dans la profusion des signes et l'enfoncement à croire, comme dans la légèreté tellement orientale et calligraphique à saisir nos paysages mentaux. Jouer alors au dernier jeu de l'homme et sans la paire de dés adéquate, suivre comme pour s'enchanter le dernier voyage sur le jeu/prototype original, des aventures de CharlieWilliam, depuis qu'ils décidèrent en tandem de se prendre pour des canards appliquant leur propre l'oie de l'art. Dernier moment de cette exposition pour peu que dans le petit espace Sous La Tente, nous ayons fait la visite dans ce sens plutôt que dans un autre.   

Merci aux 81 visiteurs, aux fidèles, aux nouveaux (Je pense à Jean de l'Orchestre National Bordeaux Aquitaine, à Nathanaël de l'Espace 29, à Rosario Licens, aux animateurs du Garage Moderne, pour cette treizième exposition Sous La Tente. Un grand merci aux artistes pour leur présence, leur travail, leur témoignage d'amitié. Merci à ceux qui font bien passer l'information, à Carine, à Malvina.

Sous La Tente réserve quelques surprises cette année. Espérons en avoir le courage et l'énergie pour vous les rendre accessibles. N'hésitez pas à faire part de vos idées.. comme certain(e)s ont su le faire.. le temps presse. Vive l'Art.

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