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Christophe Massé Informations
16 juillet 2010

Jazz à Luz: Une première improvisation de plasticiens en tournée, sur fond de vingtième festival

2010_0423luz0001 2010_0423luz0069 Un festival en altitude commence toujours sans doute par des remises à niveau; de la température intérieure, du sang courant dans les flux veineux et une prise de pouls pour rétablir les envies, les revoir à la hausse, s'acclimater en quelque sorte (quelques bières à Argelès-Gazost). Nous sommes arrivés à Luz-Saint-Sauveur (Hautes-Pyrénées) Patrick, Emilia et moi, en écoutant le dernier disque de Herbie Hancock, la voiture chargée d'un matériel artistique de campagne, sous un petit 39°. Ensuite, les choses se sont précipitées. Anne et Bernard vont nous rejoindre puis Chantal plus tard. Au quartier général, de la Maison de la Vallée, l'accueil est chaleureux, les présentations se font dans l'ordre des apparitions. Nous ne dormirons pas dans l'herbe mais à l'hôtel. Un peu plus haut, encore vers les montagnes, avec cette vue plongeante sur Luz couchée dans son écrin. Nous filons déposer nos bagages pour ces quelques jours. L'hôtel Panoramic est une maison de famille, une large bâtisse ancienne donnant directement sur la route, trois étages, un vaisseau désuet et classe, dans son jus d'origine, vieilles armoires remplies de serviettes et de torchons blancs sur les paliers, longs couloirs de planchers qui craquent sous les pieds desservant de petites chambres simples et chouettes. Une salle à manger de l'autre côté de la rue en surplomb sur le précipice et le gave, tout au fond invisible qui s'écoule imperturbable. On y déjeunera assez tôt le matin avant de partir et nous y reviendrons dans la nuit assez tard.. après les concerts.

2010_0423luz0104 Jazz à Luz en quelques mots, est un festival de musique doté d'une programmation innovante (Yan Beigbeder), éclectique et de qualité, concentrée autour de l'improvisation et d'un jazz au sens très large. Le festival fête là ses vingt étés. Le président (Jean-Pierre Layrac) se promène toujours au milieu des invités; on le retrouve du petit déjeuner à la fermeture parmi les convives. L'équipe autour semble soudée, l'ambiance est généreuse, rigoureuse et sur les deux scènes principales comme partout dans la ville; entre les incantations pour éviter la pluie, les discours et autres surprises, nous baignons dans l'improvisation calculée, chaleureuse et communicative. Un régal pour les oreilles, les yeux et les papilles. Jazz à Luz tient son cap et ne voudrait ressembler à aucun autre. Le pari est tenu certainement. Il faudra dans les années à venir que des mécènes se penchent sur la question, pour permettre  au festival de filer vers une trentaine radieuse, sans avoir à s'inquiéter de la raréfaction des subventions publiques... tel est le message lancé le jour de l'inauguration.

 

2010_0423luz0182 La liberté est un luxe. Partie de Plasticiens.

 

Anne Koessler, Bernard Verquère, Patrick Genty et moi même, proposons sur un parcours dessiné afin de découvrir les richesses du patrimoine et emprunté par la plupart des festivaliers & autres, diverses propositions plastiques intimes comme éphémères. En ce qui me concerne l'improvisation a commencé il y a longtemps. C'est mon babil, faire avec ce que je trouve et le déplacer. Ici notre travail s'accompagne de la pudeur nécessaire, pour ne pas s'approprier les lieux avec trop d'emphase. Nous souhaitons je pense rester en dehors du spectaculaire et de l'évènementiel. Juste marquer des surfaces et habiter les espaces. Sans nous concerter, l'option choisie est in situ light, profitant des quelques lieux d'ordinaire d'accès privé (le presbytère, des maisons et jardins) pour s'introduire dans un paysage avec notre simple poétique. Anne Koessler ira chercher des galets dans le lit du gave, qu'elle peindra d'or pour faire jaillir de l'ombre une tranche lumineuse; ils seront disposés ensuite sur les tombes anciennes de Templiers, dans les contreforts de l'Église, elle accompagnera ses travaux de quelques peintures sur ardoise. Bernard Verquère trouvera en Giotto de quoi passer à la craie un ensemble de mur, il aura même droit aux honneurs de la gendarmerie, laquelle alertée par une dame intriguée de trouver des croix à des endroits inhabituels aux abords du prieuré, viendra vérifier comment, encore une fois, les plasticiens sont, s'ils ne veulent pas provoquer intentionnellement, toujours quand même, sacrément subversifs !.. mais selon les circonstances.. tolérés. Son mur de silhouettes en perspective travaillé en résonance avec les taches du mur apportera au presbytère un éclairage particulier à l'instar des silhouettes sur les bords des routes annonçant le pire, une foule anonyme qui se marque pour assister aux riens des parades. Patrick Genty l'homme du Poulailler et curator pour l'occasion aura dans ses valises à présenter  Laurent Rigaut et Jean-Louis Vincendeau.. Le premier propose une samba sortie d'un vieil électrophone qui donne vie à un ballon rouge posé à même le sol et coupe court à toute perspective. Le second une table énigmatique. L'arrière cour du presbytère sera idéale pour accueillir nos œuvres communes. Patrick Genty en amateur de séries bucoliques, dans lesquelles le poisson a toujours une place de choix, nous invite à prendre un peu d'altitude aussi et croiser dans le regard de ses exocets aux plumes de cabaret, les signes d'occupation d'un espace encadré recadré inscrit dans le paysage proposé, investi là aussi tantôt de badauds et parfois de l'absence carte-postale du vide et du plein. Il occupera quelques bassins et retenue d'eau fraîche, pour y laisser frayer des poissons en céramique, pour la joie de certains curieux et d'enfants, eux toujours ouverts pour s'apercevoir de ce qui alentour, n'est pas habituel.

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2010_0423luz0138 Le festival nous réservera quelques temps forts; entre autres le magnifique film de John Cassavetes "Shadows" 1959, puis le concert de Barre Phillips, habitué du lieu, pour un premier set tout en finesse avec exploration de sa contrebasse caressée ponctuant de petits mots d'explications à l'attention du public. Eugénie Ursh violoncelliste inspirée par la poésie, Hiatus un quatuor assez déroutant, Is what ? venu de Cincinatti, Irène Schweizer considérée comme l'une des plus grandes pianistes de jazz contemporain, La compagnie Akouma qui relègue les feux d'artifices du 14 juillet à des amusements pour midinettes en mettant littéralement le feu au ciel. Mon coup de cœur ira à Q pour sa performance progressive mâtinée de fraîcheur (J'ai repensé à Bill Bruford) et pour la première prestation de l'australien Oren Ambarchi avec un travail de guitare sur des infras basses, qui font monter le rythme du cœur et perturbe la notion d'audibilité.

Pour nous, il est temps de filer; pas de rappel, pas d'applaudissements, pas de standing ovation. Nous avons l'habitude de l'anonymat et du partage du silence. En fa, en si, en ré, peu importe les 49 têtes de la suite 1985 hommage à Herbie Hancock, les poussières de craie, l'or sur les galets et le rouge vermillon de la fish family se confondront encore quelques jours aux vieux murs et aux espaces dans les rues du village avant de disparaître avec les premiers frimas..2010_0423luz0010

2010_0423luz0023 2010_0423luz0077 2010_0423luz0065 2010_0423luz0054 2010_0423luz0063 2010_0423luz0044 anne koessler                      patrick genty 2010_0423luz0088 2010_0423luz0089 bernard verquère 2010_0423luz0107 2010_0423luz0159 2010_0423luz0124 2010_0423luz0072 2010_0423luz0139 2010_0423luz0146 2010_0423luz0160 2010_0423luz0169 2010_0423luz00562010_0423luz0148 2010_0423luz0032

2010_0423luz0081 Mes remerciements vont à Patrick Genty, à l'ensemble des organisateurs de Jazz à Luz et en particulier à Gérald Anclade et Brigitte, mais aussi à Monsieur le Curé, à Madame Kiko, au photographe de la sixième avenue, enfin à Chantal, Anne, Emilia, Bernard, pour ces jours partagés dans la quiétude.   

Spécial thanks: à tous les cirques du monde et à celui de Gavarnie. christophe_mass__gavarnie_2010_dr

 

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