Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Christophe Massé Informations
22 avril 2012

Patrick Varetz: Bas Monde (P.O.L éditions)

2011_0425politu0040 Patrick Varetz 1980 (dr Elena Arnal/archives cm )

Bas Monde

Ce n'est pas un livre épatant, ni un livre épuisant. C'est un livre bien écrit. Très bien écrit. Limpide et sans secret. Un livre, qui du premier mot au dernier, bloque la respiration. L'horreur observée, décrite du fond. Finitions parfaites. Processus. Les racines du mal sont extraites du sol de charbon, nettoyées puis conservées dans du formol maison. Le découpage est limpide... encore une fois pourquoi tergiverser ? La souffrance est connue ou inventée. Elle est ressentie et palpable comme un vécu, sans aucun autre alibi pour le lecteur. Tu te prends tout ça dans le mufle. Tout. Et pourtant, nulle anecdote, pas d'anicroches, ni de confusions dans les esprits ne demeureront. Pas de petite histoire. Ici c'est de l'origine de l'ignominie dont il est question. Un réquisitoire pour, ni contre personne. Une histoire d'humains. Les sentiments de collaboration avec le mal, de résistance étriquée pour vivre le bien sont amplifiés et conduisent à une perfection (encore une fois) qui serait pour moi la seule critique à énoncer. Mais il faut bien formuler les choses et Patrick Varetz a le style et le ton pour les écrire. Voilà. Museau. 

La bête doit mourir ! Mais qui est la bête ? Chacun dans ce livre, péniblement, interprète un rôle pour lequel, il est posé sur la terre du bas monde. Le lecteur, lui, ne va pas déposer sur le seuil son passé, il est obligé de l'emporter, de cheminer dans le livre aussi en fonction de son existence propre, de trouver des circonstances atténuantes aux uns, accablant les autres ou/et vice-versa. Se trouve là, une des clefs d'un livre puissant, qui catalyse, énergise, dramatise, illumine, compare, convoque, et bouleverse bien d'autres signes de notre for intérieur, vers un espace sans horizon comme celui de certaines de nos vies contemporaines. C'est un livre pour des lecteurs. Pour des êtres qui se posent encore des questions. Un livre d'univers.

Après Jusqu'au Bonheur, Patrick Varetz ne signe pas là une suite, ni l'alternative, ni une composition différente, il nous transporte encore à la recherche des origines du mal humain. Charriés sont; le bonheur introuvable, impensable, impossible, et l'impuissance à le vivre, la violence qui s'en suit, l'inculture qui gangrène, l'immobilisme omniprésent, cette chose qui stagne parfois toute une vie et va clouer les femmes et les hommes sur place, que l'on nomme l'ignorance, dans le flot dense d'une écriture soignée et raffinée. 

J'ai pensé en lisant Bas Monde à l'Ogre de Jacques Chessex. Pour, sans confronter le talent des écritures, me questionner sur la densité que porte la rencontre d'un thème et d'une plume au service des lecteurs. En abordant un propos terrible, sans renoncer à le traiter sans concession et une fois passé à la moulinette, s'émerveiller d' y découvrir dans l'aspect de sa reconstitution, un ensemble d'éléments placides et limpides qui rendent sa description autant effroyable que pédagogique.  

CM. Avril 2012

Patrick Varetz Bas Monde (P.O.L) 2012

Publicité
Publicité
Commentaires
H
Pas un mot. - Mon âme serait-elle morte? <br /> <br /> "En es-tu donc venue à ce point d'engourdissement que tu ne te plaises que dans ton mal? S'il en est ainsi, fuyons vers les pays qui sont les analogies de la Mort.<br /> <br /> <br /> <br /> Charles Baudelaire
Répondre
Publicité