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Christophe Massé Informations
24 mars 2013

Christophe Massé: Marc Vappereau Sous La Tente Bordeaux (France)

2012_0331vap0044 Marc Vappereau pendant son installation Sous La Tente 21 mars 2013 (dr cm)

Marc Vappereau : Sur les rives noires des cernes bleues.

« Quand le monde autour de toi aura tant changé. Que toutes ces choses que tu frôlais sans danger, seront toutes si lourdes à bouger…seront toutes des objets étrangers » Gérard Manset 

Les humains me font toujours plus d’effet. Même si l’accoutumance et la déception se chevauchent parfois sur une même ligne à l’horizon. Je regagne mon champ de mitrailles de l’autre côté de la tranchée pour larguer quelques projectiles en utopie. J’écoute plus attentivement les paroles des chansons, lis des ouvrages en admirant le travail du traducteur, regarde des images en traversant par la petite porte et me passionne pour la création des autres. La créativité et son branle-bas me fascinent toujours, exactement comme la première fois. Comme le baiser.

Oui ! C’est maintenant, alors que le temps ne presse presque plus du tout, que je m’enrichis encore un peu du sel des rencontres. Le tri se fait progressivement et dans les mailles grossières de mon tamis s’écoule le temps. Quand une poignée de survivants aux regards limpides errent encore ; des sveltes aux allures de chats faméliques, aux yeux javellisés ; des ventrus aux mimiques tendres ; serrant la clope et le verre entre leurs doigts arthritiques, des musclés qui rivent leurs loisirs la quille au vent. Des gros, des grands, des minuscules, sans soucis dans la tête qui écrivent ou peignent et parcourent encore le terrain de l’amitié/rencontre désintéressée, celle que je cerne le mieux, la rapide et sans horizon, incompréhensible, goguenarde. L’ambiguë, la désintéressée, la quasi en dehors de la plaque.

Il y a aussi sur le champ d’émois, ces électrons particuliers, ces particules différentes, ces femmes, ces hommes qui percent un jour la paroi, le regard fixe, la mèche hirsute. En dehors de l’image, une bouteille de grand cru dans la main tendue aux autres. Des figés, scotchés, immobiles. Leurs pieds dessinant sur le sol un angle ouvert comme ces bras offerts à l’accolade. Certainement ! Avec eux il faudra creuser jusqu’à la déroute, quitte à ce que la route mène encore entre spleen et croyance au tombeau des ignorances.

Nous ne sommes pas à l’apogée, encore moins au début, car il ne va rien se passer… et pourtant.

1° L’attente

Marc Vappereau est entré un soir Sous La Tente au tout début de sa création et il y est revenu souvent. Et j’aime tellement sa voisine, l’étoile filante.

C’est un chef d’entreprise, les mains dans son travail. Sa tête a percé le plafond. Le cosmos est une lointaine attirance, l’aimant que l’art  puisse être tenté de rejoindre.

Il ne va rien se passer et pourtant.

Marc Vappereau n’est sans doute pas (encore) un artiste ; ni contemporain, ni artiste. Il ne définit pas comme telle sa pratique. Pas de présent, peu de futur. Si j’évoque Tony Cragg ou Louise Nevelson, il me dit que sa route n’a pas traversé la leur, en secouant la tête rapidement comme le font ces poulets fringants, dans ces basses-cours où la liberté est signe de rapide torsion du cou. Il ne me dit pas qu’il regardera le travail, ni même ne va se charger des noms. Il trace. Sa contemporanéité est d’assumer en silence son cahier des charges. De foncer là où l’on trouve le matériel, garer son camion n’importe où et revenir travailler. Arbeit comme dise les allemands que je connais. Le big bang a lieu dans le compartiment étoilé d’une galaxie souterraine, pour une révélation supplémentaire dans les méandres des dernières officines où l’on déjante du pneu au noir. Il a certainement pensé longuement au déroulement de cette idée qu’il apporte aujourd’hui au regard de l’autre. Peut-être quand il vivait à Pompéi, à Tchernobyl.

Nous nous retrouvons dans son œuvre en train, pétrifiés, irradiés. Le cheminement aurait pris cent mille ans de cette attente. Le ronron galactique au dessus de nos têtes, dans l’antichambre des liquidités va prévenir les impatients du jugement premier, pour entériner l’impression que le chuintement et les grésillements liquides et sonores ne nous orientent pas vers la transparence esthétique et les inaugurations consensuelles des vertiges spectaculaires, mais au-delà, entre mysticisme et prononciation. Balbutiement des perspectives qui engendre les tentatives pour la liberté des circulations. Celle de vaquer d’une bouteille à l’autre, des rives noires aux cernes bleues, du découragement et de l’envie mêlées.

2°L’agencement 

Un ensemble d’agencements pour péricliter et transmettre aux divers points de vue qui balaieront la surface monochrome et sa constellation de plaisirs quotidiens ; la densité des retrouvailles. Il peine à jouir. Pourquoi avoir eu tellement de temps devant soi pour posséder sa bête et ne s’en être servie exclusivement pour palier et attendre que le désir soit installé dans les antépénultièmes corridors du désenchantement. Peut-être retourner sa veste vers l’art. Pourquoi la matière colorée impacterait-elle le sens de la concupiscence des absolus. Si nous ne maîtrisions pas, ne serait ce qu’un instant dans nos vies ; le plaisir. Celui qui suit sa maîtresse la tête basse comme un chien ; le désir. Pourquoi inlassablement cette affaire de recouvrement ne procurerait-elle pas des petits oui et des petits ah, des souffles courts et des glougloutements indélicats, quand la lune à travers la vitre s’emballe entre les derniers embrasements d’un soleil lointain et nous livre le hululement des jouissances oubliées comme modèle, sur le drap, dans la terre enfouie.

3° La disparition

Il va disparaître en emportant l’orgueil d’une journée et la commisération sera de mise comme nous avions il n’y pas si longtemps encore l’horreur d’être né dans un pays qui décapite.

Institutionnels ! Vous affamez les vrais artistes dit le grincheux.

Marc Vappereau imagine une autre voie qui se dissimule conquérante entre les pages d’un cahier. Héraclès l’emporte et si je ne veux pas disparaître, je vais hisser le monde sur mes épaules et décapsuler ailleurs. Les vaisseaux maudits sont les amis perdus d’un temps. Nous devons nous aimer. Je crois qu’il a raison. Même si je suis « ailleurs ».  

J’ai passé ma vie à attendre. Comme un chien, allongé sur un lit défait quand la maîtresse a filé. La forme des os prises dans les plis du drap quand l’être par sa présence encore recroquevillée, aboie à la lune. Son os sec et l’autre de la fosse iliaque se juxtaposant aux îles et aux coups de queue intempestifs. Whiskies, bières, pinards pour finir comme en avant. La marche nous inonde, son pas lourd du poids des mauvais fils aux mauvais pères, des mauvais printemps aux ondes troubles, dans les mauvais bâtiments, cales des cargos en déroutes et des enclaves où toujours les mêmes maudits crachent la peine dans des seaux rangés comme des tombes, avec le gaz de ville pour leur tenir compagnie.

Bordeaux 21 mars 2013 Christophe Massé

Je remercie chaleureusement Marc Vappereau, tout en soulignant avec force sa persévérance et sa générosité. Dans le cadre de cette collaboration il n’a pas hésité à demeurer plusieurs semaines présent en apportant toute la logistique matérielle dans le lieu pour faire de cette exposition d’un jour un évènement particulier de la plus grande qualité. Je  remercie chaleureusement celles et ceux qui ont apporté leur soutien à ce projet. Mes compagnes d’Atelier (Marie-Madeleine Lacoste, Marlaine Bournel, Carine Tarin). Et tout particulièrement Krunoslav Pticar pour son aide précieuse dans l’élaboration du son et des éclairages permettant à l’œuvre présentée de prendre toute sa signification.La présentation de cette réalisation in situ aura lieu Sous La Tente au 28 rue Bouquière à Bordeaux (France) le jeudi 28 mars de 11h à 21h. Nous apprécierons votre présence.

 

 

 

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