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Christophe Massé Informations
1 octobre 2018

LaLuette Galerie Bordeaux : Corinne Veyssière (photographies)

Corinne Veyssière : Dans l'obscurité et le silence du préfabriqué.

J‘ai souvent recherché dans le lot des sensations éprouvées durant cette longue vie d’errance, le signe précurseur de ce qui pouvait m’entraîner ailleurs. L’Art a justifié rapidement cette posture ; des positions, et occasionné ces rencontres particulières accompagnées de découvertes ; des plus intenses aux plus frustrantes. Tout se mérite ; souvent le chemin est long, semé d’embuches ou paradoxalement tout est évident et limpide, fruit du hasard comme celui récolté dans l’arbre sur le bord du chemin, mur à point, sans autre alternative que de rassasier de sucre la soif du randonneur. La photographie m’est parvenue comme un cadeau ; j’ai souvent dit je crois que c’est Michèle Chomette à Paris dans les 90’ qui m’orienta vers les photographes contemporains, pour la plupart français : Salmon, Rondepierre, Méchain et d’autres et cela tout juste après, qu’à la vue d’une grande photographie de Stéphane Couturier qui m’avait attirée depuis la rue Rambuteau dans l’office d’un architecte, chez lequel j’étais entré brutalement et qui me signala fort gentiment la présence à quelques pas de là, de la galerie de cette dame si avenante. J’ai souvent pensé que ce chemin, je lui devais, peut-être aussi à Izis, un peu avant dans mon enfance. Izis (Israëlis Bidermanas), dont les portraits de mon grand-père Ludovic Massé me chuchotaient à l’oreille toute la puissance de l’art de la photographie. Je m’émouvais du port de la cigarette dans la main de l’aïeul et les volutes blanches et grises qui s’élevaient dans le ciel de son appartement. Et puis voilà, progressivement mon œil se déroula, pour apprécier l’image. Néophyte je le suis resté, préservant toute mon appétence et cette naïveté qui m’entraîne à découvrir des images photographiques, sans m’intéresser à la technique, ni au comment tout cela est fabriqué, pénétrer de l’œil au plus loin, profiter du point de vue exposé par ces femmes et hommes qui proposent un regard particulier sur le monde, nous le rendant si attachant.
Avec Corinne Veyssière, j’ai partagé un temps de discussion concernant les artistes bordelais, puis un temps autour de mon propre travail, de l’écriture aussi, et entrevu ses propres clichés grâce aux réseaux qui parfois pallient au manque, à la curiosité, rendant naturel le voyeurisme facile, vues et espaces enchevêtrés. Personnages, personnes, dans des lieux posés, naturels ou urbains, perdus souvent, murés dans leur silence ; la pause, qui convoque l’obscurité vers laquelle, craintif, l’objectif trouvera sa place. Dans cette profusion de vues, j’ai aimé tout de suite la distance prise avec le sujet, comme quelque chose qui ne peut être atteint et pourtant… mais dont on approche. Un mélange de pudeur et de rapidité qui rend le but lointain, juste abordé et pourtant… si immédiat qu’il en devient le centre de ce qui nous entoure. La furtivité et la mélancolie, la vie et un peu de la mort de l’image avec. Image : Plus grise que blanche, plus grise que noire ; des beaux gris surannés parfois interdits, préoccupés, anxieux. Le travail, oui qui est un véritable travail et relègue bien loin la simple idée de marotte et d’occupation en une alternative précieuse et décomposée, en déambulations, occupations, rituels, de l’existence des hommes dans leur lieu, cadre, espace de vie, dans la nature, en ville, dans les transports, cafés, parcs, partout où il peut cependant se passer quelque chose, à la croisée de la méditation et de l’abandon. Il demeure parfois un sentiment quotidien anecdotique, immuable presque, dans la mise en scène de son cadrage. Souvent l’impression que la chose se met en place sans le consentement, ou qu’il s’agit de la dernière prise, la fin d’un mouvement, l’ultime geste avant de s’éclipser. Il y a plus de l’emprunt à ce que les gens sont, que du vol de leur âme chez Corinne Veyssière, et plus d’une fugacité maîtrisée que d’une préméditation intempestive. Deux faces aussi qui émergent des eaux ; la partie de l’iceberg à deux têtes : l’une très vive et irradiée, l’autre sombre aux limites des flous et des limbes. Ce travail parcouru des doigts sur le téléphone portable et à l’intérieur duquel les prises de vues au quotidien s’enchaînent et se superposent, cette fragrance omniprésente de l’oubli et de l’abandon, toutes ces propositions qui relèveraient de la cocasserie sont immédiatement ramenées à ce temps bucolique des choses. Un chien qui ressemble tant à son maître, comme tous les chiens d’ailleurs ressemblent tous à leurs maîtres, donne immédiatement à penser au sentiment que son maître éprouve dans l’instant de la pause inconsciente. Ici, tant de corps se prélassent, sont des vestiges échoués, tant de gens se serrent une main sans se toucher, se croisent, sont transpercés par le remord. La solitude est accompagnée de ce qui nous reste d’un sourire. Puiser alors dans ce temps des images au quotidien est un remarquable exercice qui relève lui d’un acte de sélection intrinsèque et discutable comme chaque choix dans l’existence. Trois photographies sont apparues, pour moi, elles devenaient indispensables et complémentaires, pouvaient pénétrer dans cet espace° et proposaient des vues symptomatiques sur tous les plans de l’univers de l’artiste. Il fallait se positionner et isoler deux d’entre elles pour cet échange. Il y a chez Corinne Veyssière une partie de l’individu qui se recueille, celle qui affronte le regard sans croiser le fer, une partie qui pose dans l’obscurité, celle qui communique et ouvre sur un point de vue transmettant au sujet les ondes alentour, personnages et objets apparaissant en clair, dévoilés, pour participer à la scène de l’image. Et une autre partie bien silencieuse, absente, sans prolongation, arrêtée sur l’image de la fraction d’elle et refermée, paradoxalement souvent plus exposée à la lumière, qui se voile la face, d’un geste de lassitude ou d’oubli. Ici le cadre est souvent symbolique, aux frontières, limites de l’anecdote dans les mobiliers et environnements domestiques, banals, comme pour illustrer si bien la vie des pauvres gens et des autres, dans quelque chose du préfabriqué d’un silence et d’une obscurité. Stigmates des douleurs et des perceptions extraordinaires. Christophe Massé Perpignan 16/17 Octobre 2018

Corinne Veyssière expose "deux photographies" La Luette° Galerie Bordeaux en Octobre 2018 sur rendez-vous ou à l’instant.

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