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Christophe Massé Informations
20 juin 2022

Christophe Massé : "Sur le chemin des personnages" un texte pour l'exposition "Scripta Manent" Moulin de Constance Pons (17)

 

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« Scripta Manent »

Peintures

Eté 2022

Moulin de Constance

Pons (17)

France.

 

 

À Klaus Schulze, Paul Cézanne, George Condo, Karim Benzema et quelques autres. Au voyage de Fernand de Magellan, au journal de Antonio Pigafetta qui ont porté tout l’imaginaire de cette série de travaux et le coulis de ce texte.

A Corinne Veyssière, de l’importance du passage

A François des Ligneris, prompt à me proposer l’exposition de mes travaux dans la chaleur accueillante du Moulin de Constance à Pons sur la Seugne en Charentes Maritimes

Aux miennes, à celles et ceux comptés.

 

 

Sur le chemin des personnages

 

« Des conséquences. C'est ainsi que ça se passe, mon garçon. Il y a toujours des conséquences, qu'on le veuille ou non. » Paul Auster

 

 

Abordage

     J’ai toujours aujourd’hui encore le sentiment qu’une fondamentale rencontre formelle revêt un caractère explosif. Uniquement, si nous avons la chance d’observer sa fusion avec d’autres éléments abrasifs de premier ordre. La peinture est une rencontre avec des oeuvres. Elle débute personnellement enfant, avec sous mes yeux l’oeuvre vivante de Gérard Schneider, de Jean-Michel Atlan, celle de Claude Viallat, d’André Valensi, de Mario Chichorro, de François Baloffi, d’Oscar Chelimsky, d’ Huguette Arthur Bertrand, de Robert Lapoujade, de Thanos Tsingos. Elle se poursuit aux cimaises du temps des musées avec Paulo Uccello, Jackson Pollock, Paul Cézanne, Kees Van Dongen, Léopold Survage, Daniel Buren, Geneviève Asse, Chaïm Soutine, Louise Nevelson. Et encore plus loin, plus tard avec David Mach, Francesco Clémente, Markus Lüpertz, Robert Combas, Denis Laget, Gérard Garouste entre autres. Cela peut vouloir dire qu’il est nécessaire pour subsister dans l’exercice de la pratique d’une peinture comme ailleurs, de découvrir l’origine de l’envie sous-jacente du pourquoi peindre, toujours et encore. Inspecter très tôt les signes du manque, recouper sur les terrains d’investigation des indices curieux comme l’apparition d’un souffle entretenu contre son gré et participer d’un élan permanent pour approcher l’élément révélateur qui doit naturellement servir de déclencheur au renouvellement, à la ressource, si ce n’est, la bonne remise en question chère aux fils des grandes tapisseries. Les exemples qui viendront peupler ce sentiment de besoin de peindre sont nombreux et variés ; un drame survenu sur un autre terrain, une révélation inattendue happée à la table voisine, la fulgurance de l’étincelle dans l’œil du présentateur du journal télévisé. Et pour son propre chef ; la synthèse nocturne de données anciennes qui peuplent étrangement le cerveau, l’évocation d’une odeur – comme par exemple celle d’un certain type de moisissure entre les pierres d’une cour rue des Abreuvoirs à Perpignan, bordée par un massif d’acanthes à feuilles molles – simples détails ou évènements majeurs devraient permettre à la flamme de jaillir et d’entamer la prise de combustion.

La peinture n’est pas autre chose. C’est une vie sous le boisseau, le bois vert, la grippe, le testament avant le crépuscule, l’idée plus qu’une idée.

La peinture nettoie, elle provoque l’arrêt du processus d’engourdissement, de lassitude, de fatigue. Elle couvre le regard et le faire. Elle découvre l’impuissance, remédie au chagrin.

 

La peinture est un essaim (1)

    Alors !  Est-ce ainsi que nous vivons ?

La peinture ! Peindre plutôt qu’autre chose. J’ignore encore l’origine du premier geste, il est comme une empreinte de main peinte sur la paroi de ma chambre. De l’encre, des mouchoirs, un radiateur, l’hiver, parents absents. Première tentative. Pourquoi ? La peinture est une bombe sous le lit. J’y pense des jours durant, elle est aux antipodes de tout, une membrane, une forme au lointain. Tu cherches en toi, rien ne se passe jamais, tout existe le lendemain et disparaît dans la même nuit.

Lié aux combinaisons de l’âpre lutte pour un positionnement tranchant, tranché dans un temps imprécis de soudaineté et le croisement indispensable, indélicat, d’individus aux portes de l’inconnu.

Enhardissons-nous.

Est-ce de cette manière que les réajustements pourront se pratiquer ? En observant à la loupe ces vis-à-vis, une réunion, des hommes qui se dévisagent, sans plus aucune frontière délimitée. Emancipation du propos.

Voudrons-nous encore et toujours en découdre ? Autour et sur le ring, le terrain, dans l’arène, sur le central, au vernissage des apparences. Pour limiter la charge d’initiatives, ici les humains ont opté d’un presque commun accord, pour le bulletin de vote. Les conséquences sont aujourd’hui en forme de bilan provisoire - un leurre fait des plus belles trouvailles dans les interstices de la rocaille, des amas de branchages, de l’herbe roussie, de l’humus dématérialisé. Un leurre, une mouche, une plume, un serpentin coloré qui remplira son rôle et permettra aux gobeurs d’ouvrir la bouche. Inonder le marché avec sa petite histoire en volant la vedette au pharaon des mots. 

 

Avant-propos pour l’Histoire d’un navigateur

     Un jour, tout est parti de là.

J’ai absorbé les alcools restants dans le placard.

J’ai vu passer sous mes fenêtres des femmes, des hommes emportant à la va-vite dans leurs poches de manteaux, les bouleversements récents de leur cognitivisme, des modifications d’existence en papier, soufflant le froid et le chaud. J’ai entendu des bribes et souvent d’indécises paroles, parfois même, calfeutrées par des choix brutaux, comme ces gestes féconds qui ordonnent une modification des périmètres. Il m’a semblé qu’une fuite de quelque chose avait dû se produire quelque part pour qu’ils courent de la sorte. S’échappent. Un voisin à qui je m’adresse quelques fois m’a dit, en haussant les épaules, qu’ils se rendaient sur leur lieu de rencontre. Un point A. A partir de là quelqu’un d’important et de responsable viendrait les chercher.

Des confrontations parfois décidées, souvent subies. La peinture, le dessin, l’Art qui sont imprégnés du ressenti demeurent mêlés de très près à ces turpitudes. Elles accompagnent le mouvement, crissent dans le sablier des pensées qui diffuse à travers ses parois empoudrées une lumière acide au-dessus des têtes endimanchées. Des déchirures aux contraintes, un pas dans un espace fictif se crée sans guide, dans la tour de contrôle, l’aléatoire d’un tout nouvel espace de dialogues.

Des personnages. Des personnages d’une histoire réelle, pour une autre histoire fictive. Des êtres inventés, des êtres connus, reconnaissables, je ne sais pas.

 

Calfeutrer

     Je me suis fixé d’aller plus ailleurs en moi, plus contre mon ordinaire, encore moins contraint et d’abandonner quelques-uns des gestes élémentaires constituants de l’ADN pictural fiché, d’en conserver bien quelques autres au dépend, de briser mes trajectoires du poignet, de rompre définitivement, et tout ça avec un immense mépris pour quelques règles crues fondamentales, de la difficulté à garder la trace du dessous, de la joie à resimuler l’obsession de l’abandon dans le travail presque achevé, et pénétrer des événements niés, des déroutes, des frasques, des oublis.

Je me suis fixé l’idée devenue un but ultime, de trouver l’essence d’un trait initial, qui ne soit ni la cerne, ni un visage recentré, mais d’en raconter une portion, un fragment, une étape, d’en isoler des parties et opérer des recadrages, pour les confronter, les métisser. Grossir le propos sans le ramasser avec d’hybrides propositions, le calfeutrer dans ce qui pourrait se concevoir comme la manifeste texture, à la texture du chromo, apparenté à un poil dans la main, le regard et les poings liés sur l’autel du manque de savoir, mais aussi en relier la trame au rapport à l’ex-voto par, dans le déroulement des parchemins, la quintessence d’offrir, le plaisir d’offrir et de rendre, s’appuyer sur nombres de journaux maritimes pour filer la soie, remonter le parcours des rats comme celui des éléphants, des lamas des hauts plateaux, troupeaux de bêtes et aujourd’hui encore d’hommes, sherpas, aides de camp, bredouilleurs aux oreilles chastes.

J’ai obstinément, lentement, ramassé mes notes. J’ai brûlé ces carnets, ces ébauches, ces manqués, pour rassembler d’autres forces. J’ai obscurci depuis le bout du chemin derrière moi. Le peintre s’il en est un de peintre, trouve son lieu de toutes les germinations, dans le silence des secondes égrenées, celles possibles sans acte. Fantassin immergé dans le choix de la couleur du papier, ivrogne coulé dans sa fatigue, respectueux des moisissures, de l’ordre des pinceaux qui iront racler son espace autorisé, la surface, maintenant la sienne, donnée aux perceptions les plus inattendues. J’ai plié des livres, toute une histoire, un Monde et le mien. Je me suis documenté avec mon fil d’or. Pour laisser fuir sans chasser aux ballasts, pour inonder ma cale, sortir l’étoupe et recommencer à pénétrer la nuit depuis trois heures, la torpeur des jours d’enfermement. Est venu alors « Scripta Manent » un recueil de propositions picturales, venu s’enlacer aux méandres laineuses, lianes subtiles de la pensée formelle, en butée comme il se doit.

 

 La Terre est gRonde

   « Scripta Manent » coule du port de Barcelone. Depuis, un autre siècle je vais dire, quand jeune, une petite bande de compagnes et compagnons prirent le chemin depuis Perpignan pour errer en ma compagnie, quelques jours dans la capitale catalane. J’y écrivis certainement des pages qui ne se donnent pas, que confiant j’ai laissé glisser malencontreusement dans le temps au fil de la parole que j’avais donnée, cette trame aussi qui offerte au dédale se fond dans le bac aux mollards sous le comptoir dans les scènes de la vie des ranchs. 

Faudrait-il s’en souvenir ? Le Prince qui n’attend pas, ne regrette pas. Barcelone deviendra un doigt pointé sur la mer. Plus tard, j’y arpenterai les venelles qu’il se doit de fréquenter, il me restera de la Calle Escudellers, le Cosmos à l’aube, les prostituées partageant mon bol de café au lait, le sperme froid dans ma chambre prêtée par le taulier pour les passes des copines pendant la journée alors que j’étais au travail. Le port maléfique m’accompagne depuis. J’irai trois fois en Amérique pour voir et j’en reviendrai. Barcelone c’est Gênes aussi Séville et certainement Lisbonne. De la crasse, des eaux croupies. Les rois d’un côté, les pions singes de l’autre. Quelques fous qui ne demandent rien, et des têtes de cheval pour tenter de prendre la subvention.

Des saints, des rois, des apôtres, des voyageurs, des indigènes, marins, iliens, marchands... Longtemps l’autoportrait usé jusqu’à son dernier fil, proposa le remplacement des ordres du vecteur. Nous étions plusieurs à fréquenter la même tête, plusieurs à ensevelir la route d’une trace brûlante, rêche, parfois sans aucune attache au lieu, qu’un court instant de passage. Partageant un temps dans la contemplation des pholques phalangides comme d’autres insectes aux formes particulières peuplent certaines parties prises dans la couleur et le spectre, liquidité et compacité plurielles, un pot jeté, une palette retournée, un gobelet qui va choir, des pinceaux aux réservoirs encombrés, la luisante épopée grattée, bénéfices de découvertes dans le lit de la rue. Il ouvre la bouche, y trouve un rat. Il ferme les yeux. Des insectes s’égarent sous les paupières brûlantes. Il geint. Se retourne dans son lit de boue. L’océan gronde, des vagues gigantesques se blottissent sous l’étrave. C’est un voyage, les falsificateurs, les usurpateurs, les faussaires sont embarqués.

 

Intervalle

     Pour des passages entre les ponts, puis les caténaires reliés aux inflammables poutrelles des misérables fondations du devenir. Peintures qui ne sont ni annexes, ni compléments, ni transitoires, fonctionnent au registre du poivre, du piment de la moutarde, condiments indispensables au luxe vermeil sur la coquille du projet. 

 

 

La peinture est un essaim (2)

   Puis encore la peinture. Peindre, ne plus la peinture. Peindre. Choisir dans les camps colorés les nouveaux feux d’artifices. Répondre absolument du devenir d’un ocre, de la stabilité d’un vert, de l’impétuosité d’un orange, de son frère jaune et de ses marmailles empêtrées dans les jus de salive, de sauce, de café et de terre-plein. Redessiner, retraverser, profiter de la courbe pour étendre son abdomen le long de la lisière, pluie des mauves. Mauve un con jaloux des véritables violines, des pénétrables carmins. Pas de sauce au vin blanc, un zeste de raclure de pompe à pigment.

Avançons.

Pourquoi fais-tu tout ça ? Qu’est-ce que tu veux raconter, qui tu y mêles, avec qui tu échanges ton spleen ? Y a-t-il une histoire des hommes ? Seulement des hommes ont quitté Séville, il y a cinq cents ans. Des bateaux, une armada. Ce que tu aimes c’est qu’ils n’ont pas choisi pour la plupart. Ils avaient l’habitude pour le poivre, les épices d’y aller par là-bas, le long des côtes, très loin du port d’attache quand même. Mais là, ils allaient traverser les océans et trouver, chercher et peut-être trouver le passage. Mais ils n’en savaient rien. Seul le seul maître à bord ne bafouillait pas. Ces embrouilles avaient débuté longtemps auparavant. Aguerri, opiniâtre, déchu, protégé, son entêtement avait semé le trouble et les jalousies. Il creva le plafond du doute des rois et trouva sa récompense pour anéantir malgré lui un continent. Il n’y a pas de véritable anarchiste qui palpe en cachette, il n’y a que des valets et des copies, des succédanés. Le rebelle reste cloué à la porte du garage. Le professionnel est un spécialiste des génuflexions camouflées.

Alors comment compter et peser le poids de ses atouts. C’est un peu comme entrer dans la nébuleuse de Klaus Schultze, pénétrer le magma indifférent des sons de la rue en plein urbain pour remonter le cours d’un fleuve. D’un conglomérat informe de corps ignorants étendus dans la crème à bronzer, vautrés sur les flancs de son sable souillé, là à l’embouchure où plus rien que les eaux croupies et polluées ne subsistent à la source inconnue qui suinte entre deux plaques de schiste carbonifère. Chercher un rose de paille, l’ombre des marrons qui glisse sous la paroi d’un caillou. Comment compter sur les doigts d’une main sans toucher entre chaque période la belle douceur des pétales se dissipant sur la glace des lacs noirs des pays du nord d’Inverness, rire de soi-même devant la glace au tain humidifié des effluves d’air polluées à Firenze, rogner l’os dans ton île à Mallorca, plier bagages avec le mort du lagon à Mayotte. Des perspectives sont dessinées en amont, la roche est une carte-postale, pain de sucre, baies rondes qui deviennent golfes et dont certaines plaques s’immiscent dans les anfractuosités du rocher et planent vers l’intérieur des terres avec les derniers oiseaux qui osent s’aventurer dans les gorges aux sommets desquelles quelques indigènes de grande taille pour ne pas dire d’immenses hommes musclés, dignes et somptueux observent avec attention l’entrée en matière des conquérants dans leur domaine jusque-là préservé. Jusque-là, chansons populaires pour défaire le col de la chemise, promenade sur les quais vers les docks du Bordeaux 1998, quand les grands aux vergues immenses, les focs en escale repliés sur les unes, Silure et esturgeon encore de rigueur frayant aux embouchures saumâtres, la panoplie des rencontres tardives, des jeunes gens qui s’embrassent sous les pontons à marée basse dans la glaise rouille des fricassées de coquillages rejetés par le clapot. Nous y sommes dans la peinture, luisante, imperceptible tempo.

      La peinture est un navire en flammes dans les eaux de perdition. Peines perdues. Le sujet de la peinture son cataclysme dans les failles désuètes des rocailleuses falaises du nouveau monde. Chercher l'encablure, la drisse polie, encore le roulement des ténèbres dans l'obscur campement du matin. Mal de tête, mal de gorge, insignifiante apogée des résistances dans la confiture des mangues, la disproportion des petits besoins des uns et du malheur des autres. Vue sur l'incongruité de la faiblesse universelle, paroles sourdes, chocs pétroliers, barricades pour les pingouins. Nous transporterons au mythe, l'hydre, le chien, l'oiseau, des os en pagaille, de la lueur, et l’essence qui flambe à la surface des flots. Nous ne respecterons pas le roi aux petites figues, et l'autre au quintuple écrasement sur les chaussées d'Andalousie. Reprenons le souffle, caravelle, scotch, n'oublions ni l'étoupe, ni la chique, ne raclons plus la peau du rat pour la sucer avant de glisser nos mains dans le sable froid des confins. Quelques couleurs parbleu, du Naples, de l'or, de l'argent, du zinc, du titane, du mars. Et l'ivoire pour emballer le poil. Je vais chercher mes rêves d'enfant, j'irai en extruder la moëlle fixe et opérer le chacal du souvenir dans la brèche des pulsions intactes. Plus loin la grève, les mortiers, le napalm, l'historique des cheminements de l'autoportrait, aux risques de la prise multiple et du traitement du sujet par la peinture, comme force anormale des confluences. Je citais Klaus Schulze au début de ce texte, l’introduction d’une vingtaine de minutes du Virtual Outback comporte un instant de ravissement à la reprise chaque fois de la ritournelle quand dans les circonvolutions aériennes des percussions et le lancinant j’aperçois la terre me plaire. Je citais Paul Cézanne, tant La maison du pendu que j’associe maintenant à la maison délabrée d’Antonio, quand je me trouve en Haute-Marne, que j’observe jour et nuit, depuis mon banc sur le bord de la route départementale dans toutes les lumières et les changements de contraste et qui procure non seulement en moi la connaissance, mais l’envie puissante. Cette envie sourde de prononcer le mot couleur et d’entrer en consolation dans la crème d’une teinte préparée pour conquérir la surface estimée. Comme j’ai fait allusion à George Condo pour ce caractère régulier d’une entreprise de refonte des personnes, en une subtile et régulière interprétation de la figure humaine dans l’histoire de la peinture d’hier et celle plus contemporaine, avec les atouts dans les manches, la luxure new-yorkaise et la punkitude dans le nœud papillon. Bien entendu aussi Karim Benzema footballeur surmédiatisé jusqu’au dégoût, à l’abject, mais dont la maîtrise du positionnement, la fulgurance du jaillissement, la magnificence de ce qui ne peut être reproduit, ces instants pour introduire l’idée de précipitation positive, quand nous suivons la déambulation dans le prolongement, un timing parfait, pur, baigné par une pluie battante, à la dernière minute d’une rencontre toute entière vouée à la gloire de l’adversaire, quand dans un angle de la surface de réparation, soit une vingtaine de mètres du portier à l’affut, à la réception d’un centre tendu une tête orientée à la fois puissante, surprenante, précise, catapulte le cuir qui termine sa course dans la lucarne des buts adverses.

J’ai pleuré dans le souvenir des têtes à têtes, les Marx Brothers, les Pieds nickelés, toutes les histoires d’exclusion, ce conglomérat de puanteur qui aujourd’hui révèle encore et toujours plus de mal. Je me suis affaissé dans la peinture, j’ai redoublé, revu mon numéro, sombré de tranches épaisses d’abrutissement, en engloutissant des films qui n’amènent nulle-part. J’ai décortiqué le dictionnaire, les encyclopédies populaires, les journaux pour lire la Guerre et le mensonge, la cupidité, la fierté des hommes, plonger ma lame dans la viande, regardé des images religieuses, avalé des livres, relu des livres, des biographies, des romans d’ailleurs et des romans d’encore plus loin, le plus loin possible, si traduit pour penser. La pensée court, elle s’enlise, au sable des îlots, à la pointe du lagon quand l’enfant meurt, pauvre erre qui sans savoir nager a quitté son île pour atterrir une centaine de kilomètres plus loin et se noyer dans les eaux turquoise. Petit squelette, petite ossature prise dans le lointain, contre la plinthe des soubresauts de la rupture lente d’un cartilage, quand ça chauffe sous le scalpel le dimanche au moment où le poulet glisse sur la planche. Fin du monde, la terre est ronde. Les hommes se sont rencontrés. Sur le chemin des personnages, alors est née de la confusion et de la peur, une lumière incontrôlable surgie de la terre sous les flots, le volcan des passions : La Peinture.

Christophe Massé - Perpignan, Le Bouscat, Biarritz, Haute-Marne (2022 covid-19).

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