Mélanie Gribinski: Portraits de Lecteurs

11 octobre 2009

C'est la seconde fois que je pose pour Mélanie Gribinski depuis notre rencontre en 2007, lorsqu'elle accepta d'exposer pour la première fois à Bordeaux, lors du programme de rencontres que je devais réaliser pour l'Atelier Krapo. J'aime son travail pour la simplicité et je vais dire aussi, pour la distance vis à vis de soi même (le modèle) qu'elle arrive à faire prendre ; son intensité d'instantanéité. Longuement préparé, cruel, magnifique et vrai. Nous sommes ce que nous sommes et ce que nous avons voulu cacher ou montrer en même temps. Tout va dépendre de notre caractère, de notre détermination à affronter l'œil de la caméra, à détourner son regard, à se l'accaparer, à faire comme ou semblant, à se défaire de ses démons, les mettre à l'affiche, accepter la dérive des égos et l'introversion anti-photogénique. Mélanie appuie sur le déclencheur au bon moment il me semble. Elle capte vite, après nous avoir tendu dans nos préparatifs à trouver le naturel qui nous sied ou nous fait tellement défaut dans ce moment d'une trentaine de secondes durant lequel il ne faut plus bouger. Pour ce portrait avec un livre, j'ai tout de suite pensé à mes géants: Perec, Miller, Pavese, Perros, Kérouac, Ford, Melville, Joyce, Lucot, Ludovic Massé.. Bove, Isherwood, De Lillo, Calaferte, Cossery, De Rudder... Je ne sais pas.. un de ceux la... Je me voyais tenant serré contre ma poitrine; Moby Dyck, La Disparition, Mr Norris Change de Train, Sexus, Un Week-end dans le Michigan, Tous Crus les Coqs, Le Refus ou Opérateur le Néant.. etc.. je me voyais en fanfaron, en espiègle.. avec l'un de ceux la.. Et puis la veille du jour de la photographie Pierre Peuchmaurd est parti. J'ai éprouvé alors le besoin de rendre hommage grâce à Mélanie à ce magnifique poète. Le lendemain j'ai emporté avec moi pour la séance Le Moineau par les Cornes. C'est allé très vite, j'ai baissé la tête en tenant le livre par un angle, les doigts crispés, j'ai imaginé la vie des gens qui écrivent, qui donnent du leur et des lignes, enchantent et forment les esprits et les cœurs. J'aurai sans doute pu rester longtemps dans la même position. Mélanie a tiré un portrait dans lequel je retrouve encore une fois une partie de moi ignorée. Superposée à toutes celles qui me sont familières. Une émotion pour un moment de vie suspendue. Pour moi, à la mémoire de Pierre Peuchmaurd.