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Christophe Massé Informations
4 février 2020

Boustrophédon #49 : Mirsad Jazic expose à la Machine à Musique Bordeaux

Jazic 000

Boustrophédon #49

Mirsad Jazic

 

Exposition du 4 au 29 février 2020

Rencontre avec l'artiste le mercredi 5 février à 18h30

La Machine à Musique 13/15 rue du Parlement Sainte-Catherine Bordeaux

 

Mirsad Jazic : La guerre est toujours

Des chiffres et des lettres, des chiffres qui deviennent des dates parfois, des lettres qui forment des mots toujours. L'oeil perdu sous la carapace de l'enfant et éminemment quelques secondes plus tard recouvert par la lumière des dents blanches, le sourire espiègle pour dire une bêtise.
Un travail puissant se dissimule sous des monticules de nostalgie parfois d'amertume souvent de regrets. Il nait des sentiments et de ceux qui va empêcher, déconstruire, anéantir. Il reste pour certains le prolongement de la difficile période des prémices, ou bien entendu aussi, de l'extase dans des milieux confortables, celle d'avoir ramassé l'art enfant à pleine main comme les fleurs des champs impressionnistes. En ce qui concerne Mirsad, c'est une autre vie que nous devons évoquer. Il a écouté tomber les bombes, vu les vitrines scotchées, ramassé ses affaires. Il s'est passé des évènements dans son pays qui n'ont de nom que si nous les avons vécues. En lire l'histoire en fragments, en compagnie, avec tout le recul possible ne compte que pour ne pas masquer, ni occulter la dite histoire. L'art ne sera plus jamais ce qu'il pouvait être là dans ce lieu de naissance ; il deviendra autre chose, qui n'aura pas le goût sucré de l'art, ni la tristesse de l'histoire des morts, il sera un entre-deux, entre l'extraordinaire pouvoir de la plasticité mais aussi entre la fécondité, de ce que le malheur inscrit dans l'histoire personnelle de l'homme qui est parti de ses origines pour ne jamais les retrouver. Le travail qu'offre Mirsad Jazic à partir d'aujourd'hui à Boustrophédon est simple et magnifique, il est dans cet ordre des mots et des lettres, une histoire de la guerre qui passe par le temps d'une image chaque fois prise au dépourvu, dans le recoin d'un catalogue, sur le pourtour d'une publicité dans un magazine, là posé sur un étal de marché. Il y a la luxuriance et l'entêtement à fourmiller avec ce qui doit impérativement être collecté et inscrit sur la plaque du temps sans en déclarer le pathétique universel, mais en s'octroyant cette part de déroute, permettant au visiteur de trouver l'image belle et cette multitude de signes coquets. sous la pellicule des colles se grave l'empreinte et donne la clef de la monstruosité humaine, qui anéantit et se calfeutre dans son manteau de mal pour des temps et des temps.
Accrocher avec Mirsad, c'est gravir la colline, passer le col, redescendre vers la mer, marcher le long des grèves, le vent dans les cheveux, arracher une herbe sur le sentier, pour la glisser entre ses lèvres, mâchouiller les souvenirs et voir les larmes filer dans les volutes de brouillard, quand il fait beau et humide à la fois. Christophe Massé Bordeaux 4 février 2020.

 

Mirsad Jazic : La fin du Monde est un numéro, le début d'un autre, une série d'inventaires de désespoirs personnels & de tris communs dans la mémoire des hommes fragiles.

Toute la tension est une verticalité qui fait que nous nous redressons toujours. Siffler est la fin d'une rencontre, d'un match ou le chant d'un oiseau perdu sur le goudron d'une aire d'autoroute. Nous couvrons de nos pas dans un crissement le bruit des branches brisées sous la neige, nous déracinons le plus grand nombre de nos arbres pour les porter dans les hypermarchés. Un plasticien ne s'empare de rien, il englobe dans son périmètre et son pourtour cette multitude d'actions que nous pensons totalement surannées, impensables, improbables et la plupart du temps indétectables comme la présence d'un vieux sous-marin nucléaire lanceur d'engins qui réchauffe le fond d'une baie perdue au bord des mers connues de seuls les manchots. L'art ! ce privilège est fait pour l'observateur, le spéculateur, l'historien. L'artiste en général est une brebis noire, un mouton soumis, il conte une belle histoire personnelle qui n'intéresse personne jusqu'au jour… comme dans un puits du fond duquel dans n'importe quel désert l'on remontera un gobelet en matière plastique imprimé à l'effigie d'une salle de concert ou d'un salon des antiquaires quelconque, mais qui contiendra dans le remugle d'alcool ancien, un peu d'un reste d'eau potable dans laquelle la graine ira. Je vois en Mirsad comme dans la boule de cristal de madame Bourouma, toute la quintessence des algorithmes et des puissances d'enregistrements pour des disques durs humains les plus sophistiqués dotés de sensibilité comme d'ingéniosité, d'une capacité si ce n'est à rendre le monde meilleur, à l'orthographier en langue universelle, en extraire le propos des comptabilités essentielles. Vous êtes nombreux, nombreuses à réclamer votre pitance, certain(e)s se retrouvent aux croisements des enfers routiniers et des remises en questions solides comme le plâtre sur la partie de côté de la boîte aux lettres d'un pavillon de banlieue, celle qui cède au vent sa dernière once de légitimité. Compter c'est reprendre l'Energie, se coiffer du chapeau du Tsar ou du banquier, du chef de gare ou de la vedette, pour oblitérer le laisser passer conjoncturel. Amalgamer les points retraites aux bons points des cours de récréations. Mirsad Jazic sème la terreur du nombre dans un monde qui compte tout le temps pour rien. Il assène avec une bucolique moue le principe de la révolte qui passe par l'histoire comptée des siens, du pays, de la mémoire ; celle des origines à celles des cavalcades (in)volontaires de l'enfance détraquée. Nous restons couchés à l'aube dans le bar, entre les tabourets, seuls nos pieds dépassent. Je dis ça pour interroger l'oeuvre dans son ensemble, celle méthodiquement empilée vers sa sauvage destinée. Des dossiers, des constats qui décrivent, transforment la volonté de stopper la fin du Monde en reversant l'encrier dans le nuage de lait, inventorier les désespoirs personnels comme des friandises pour dresser l'animal, trier enfin dans la mémoire fragile des hommes et parcourir la période qui nous concerne dans un sentiment d'allégresse indispensable. Christophe Massé Bordeaux 23 02 2020

 

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