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Christophe Massé Informations
27 août 2006

Un plat pour souvent

figurines J'ai commençé à faire à manger, voici une quinzaine d'années. Un peu avant j'attendais assis au coin de la table "que ça tombe" dans l'assiette, et je voyais ma mère préparer des repas et des repas, tout au long de l'année sans m'émouvoir plus que ça. Espagnole, Mallorquine par son pére et Italienne, Toscane par sa mère; elle cuisinait des recettes improvisées, chargées avec naturel des parfums des deux pays du sud. Plus tard, quand j'ai quitté le foyer familial, j'ai mangé du café. Un jour, j'ai trouvé un travail. Je devais surveiller des enfants lors du repas de midi et pour ça, on me demanda de déjeuner avant eux à la cantine. Patrick, le chef cuisinier était un type assez formidable, il avait toujours deux mots pour tout le monde: mi & gnon. Sa gestuelle était magnifique; les doigts en l'air et les yeux fixes. Il me fit manger comme deux, puis comme quatre. Je pris les vingt kilos qu'il me manquait puis vingt autres... et découvrit le plaisir d'avoir envie plus que celui de savourer. Plus tard, le peintre Roger Cosme Estève chez qui j'habitais,  m'initia à la confection de  plats catalans dont sa fameuse façon de préparer les calamars. C'est Patrick Varetz qui m'entraîna le dimanche matin sur le marché à Wazemmes et dans sa cuisine place Sébastopol, comme dans quelques restaurants du vieux Lille et des Flandres pour me faire découvrir que j'avais des papilles, je me souviens bien de l'os à moëlle, des coquilles Saint-Jacques, des machins chinois préparés dans un wok (d'ailleurs celui que j'utilise vient de Wazemmes). Je me souviens aussi quand mon pére m'emmenait au Pont de Reynès manger les "boles de Picolat" chez Can Fouste le lundi à midi en tête à tête. Tout jeune j'avais eu plusieurs fois droit avec mon grand-pére "aux patates de tata mimi" à d'autres "trucs" mythiques comme la tranche de foie au Banyuls ou le Suquet de peix, mais le besoin de faire à manger est venu d'un seul coup, en quelques minutes, comme les choix et les changements dans ma vie.

Pour moi, faire à manger c'est comme peindre, se jeter dans la marmite avec les ingrédients et inventer le plus possible d'histoires.. mais les mêmes.. surtout les mêmes.. et tout le temps renouvelée... en gardant un style décoratif, un peu vulgaire et ne pas copier.. ni s'inspirer, essayer la création, risquer la maladresse et la nullité car elles se transformeront en originalité aussi. Je fabrique un vinaigre de vin (à partir d'un morceau de la mère du vinaigre de la mère de Roger Cosme Estève) qui donne trois confections. De fruit: prune de prunus, d'herbe: thym catalan (il m'en reste d'avant Tchernobyl), d'épice: piment d'Espelette ou du Maghreb. J'aime cuisiner au vinaigre. Une de mes recettes pour le quotidien se nomme le plat du Palatrécous c'est un plat variable dans lequel le légume conditionne la cochonaille et le poisson réunis en leur intimant l'ordre de rester discret mais pas distant. Dans une poêle à large bord, généreuse huile d'olive au bec sur feu doux, oignons tout de suite coupés gros, large, mal, puis champignons de paname en boîte, laissez tranquille... courgettes un sur deux, peau/chair, coupées fines en dés, aubergines idem, gros dés, joindre et remuer.. préparer à part un riz blanc, un basmati, un thaï, un de camargue, du surinam, un riz qui ne craque pas, qui fonde, bien cuit mais pas gluant, presque rata, pas le riz du Michelin ni la boulle ronde qu'on laisse, une pelle compacte, un paté de riz et sa noix de beurre qui restera jaunir la haut en descendant vers le bord de l'assiette pour se mêler à la suite... laisser suer le reste, rajouter un bouillon (un petit verre de muscat grec) couvrir deux petites minutes, découvrir, faire réduire... puis poser quelques filets de poisson du jour pas trop cher (du merlu ! allez ! du merlu) ou du congelé, une tranche de porc, de la poitrine, pruneaux, olives, un peu de miel.. ail, sarriette, au dernier moment et par dessus un filet large de vinaigre. Accompagné d'une tranche de melon nappée d'une trace de moutarde et toujours d'une tomate cru, d'une tranche de pain un peu séche frottée avec de l'ail et d'un verre de vin rouge ordinaire.         

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