Le journal de La Traversée
Vous m'aviez ordonné de me taire, votre index posé sur mes lèvres et j'étais demeuré muet un long moment. Il n'y avait plus de secret, plus de trouble, plus de je ne sais quoi. C'est toujours encore aujourd'hui une sensation étrange et merveilleuse. Je m'étais allongé sur le côté, derrière vous et je regardais par la fenêtre la lune luire dans un ciel d'encre. Des immeubles et un extraordinaire parking sont venus changer l'horizon; je ne lis plus les mêmes lettres dans le ciel du matin. Le sommeil faisait place à l'amour et à l'aube l'amour dissipait les songes moulés dans leur fièvre de cheval. Il y avait une joie d'Espagne et un air de rien dans la chaleur au-dessus des brumes sur les automobiles et dans le vacarme de leur va-et-vient, sur cette immense place liquide se reflétait la couleur verte de ma tête; pour me rappeler que j'allais bientôt mourir. Le bleu outremer profond des papiers peints qui illustraient ma vie ressortait sur un fond de sauce et de colle de peau, pour me laisser espérer que cela pourrait se passer sur les bords de la Méditerranée, où plus loin encore... mais aussi à Madrid où sur la terre de mes morts, dans les cendres d'un platane, et les reliefs d'un plat de calamars, dans la sauce qui parfois tente la reliure avec les hommes où dans celle peut-être, même d'un olivier.
"Je ne fais que Massé". Le journal de la Traversée. A partir du 27 Juillet 2009. Madrid.